Correspondence #1511
TRAITÉ DE TOLENTINO
Quartier général, Tolentino, 1er ventôse an V (19 février 1797)
Le général en chef Bonaparte, commandant l'armée d'Italie, et le citoyen Cacault, agent de la République française en Italie, plénipoten-tiaires chargés des pouvoirs du Directoire exécutif;
Son Eminence le cardinal Mattei, Mgnor. Galeppi, M. le duc Braschi, M. le marquis Massimi, plénipotentiaires de Sa Sainteté,
Sont convenus des articles suivants:
ARTICLE PREMIER
Il y aura paix, amitié et bonne intelligence entre la République fran-çaise et le Pape Pie VI.
ART. 2
Le Pape révoque toute adhésion, consentement et accession, par écrit, ou secrets, par lui donnés à la coalition armée contre la République française; à tout traité d'alliance offensive ou défensive, avec quelque puissance ou état que ce soit. Il s'engage à ne fournir, tant pour la guerre actuelle que pour la guerre à venir, à aucune des puissances armées contre la République, aucun secours en hommes, vaisseaux, armes, munitions de guerre, vivres et argent, à quelque titre et sous quelque dénomina-tion que ce puisse être.
ART. 3
Sa Sainteté licenciera, dans cinq jours après la ratification du présent traité, les troupes de nouvelle formation, ne gardant que ses régiments existants avant le traité d'armistice signé à Bologue.
ART. 4
Les vaisseaux de guerre ou corsaires des puissances armées contre ta République ne pourront entrer et encore moins demeurer, pendant la présente guerre, dans les ports et rades de l'Etat ecclésiastique.
ART. 5
La République française continuera à jouir, comme avant la guerre, de tous les droits et prérogatives que la France avait à Rome, et sera tout traitée comme les puissances les plus considérées, et spécialement à l'égard de son ambassadeur ou ministre, et des consuls ou vice-consuls.
ART. 6
Le Pape renonce purement et simplement à tous les droits quit pourrait prétendre sur les ville et territoire d'Avignon, le Comtat Venaissin et ses dépendances, et transporte, cède et abandonne lesdits droits à la République française.
ART. 7
Le Pape renonce également à perpétuité, cède et transporte à la République française tous ses droits sur les territoires connus sous les noms de légations de Bologne, Ferrare et la Romagne. Il ne sera porté aucune atteinte à la religion catholique dans les susdites légations.
ART. 8
Les ville, citadelle et villages,formant le territoire de la ville d'Ancône, resteront à la République française jusqu'à la paix continentale.
ART. 9
Le Pape s'oblige, pour lui et ceux qui lui succéderont, de ne trans-porter à personne les titres de seigneurie attachés au territoire par lui cédé à la République française.
ART. 10
Sa Sainteté s'engage à faire payer et délivrer à Foligno, aux trésoriers de l'armée française, avant le 15 du mois de ventôse courant (mars 1797 vieux style), la somme de quinze millions de livres tournois de France, dont dix millions en numéraire et cinq en diamants et autres effets pré-cieux, sur celle d'environ seize millions qui restent dus, suivant l'article 9 de l'armistice signé à Bologne, le 3 messidor an IV, et ratifié par Sa Sain-teté le 27 juin.
ART. 11
Pour acquitter définitivement ce qui restera à payer pour Fentière exécution de l'armistice signé à Bologne, Sa Sainteté fera fournir à Far-mée 800 chevaux de trait, des boeufs et des buffles, et autres objets pro-duits du territoire de l'Église.
ART. 12
Indépendamment de la somme énoncée dans les deux articles précédents, le Pape payera à la République française, en numéraire, diamants ou autres valeurs, la somme de quinze millions de livres tournois de France, dont dix millions dans le courant du mois de mars, et cinq millions dans le courant du mois d'avril prochain.
ART. 13
L'article 8 du traité d'armistice signé à Bologne, concernant les manuscrits et objets d'art, aura son exécution entière, et la plus prompte possible.
ART. 14
L'armée française évacuera l'Ombrie, Perugia, Camerino, aussitôt que l'article 10 du présent traité sera exécuté et accompli.
ART. 15
L'armée française évacuera la province de Macerata, à la réserve d'Ancône, de Fano et de leur territoire, aussitôt que les cinq premiers millions de la somme mentionnée à l'article 12 du présent traité auront été payés et délivrés.
ART. 16
L'armée française évacuera le territoire de la ville de Fano et du duché d'Urbino aussitôt que les cinq seconds millions de la somme mentionnée à l'article 12 du présent traité auront été payés et délivrés, et que les articles 3, 10, 11 et 13 du présent traité auront été exécutés. Les cinq derniers millions faisant partie de la somme stipulée dans l'article 12 seront payés au plus tard dans le courant d'avril prochain.
ART. 17
La République française cède au Pape tous ses droits sur les différentes fondations religieuses françaises dans les villes de Rome et Lorette, et le Pape cède en toute propriété à la République française tous les biens allodiaux appartenant au Saint-Siége dans les provinces de Ferrare, Bologne et la Romagne, et notamment la terre de Mesola et ses dépendances; le Pape se réserve cependant, en cas de vente, le tiers des sommes qui proviendront, lesquelles devront être remises a ses fondés de pouvoirs.
ART. 18
Sa Sainteté fera désavouer, par un ministre à Paris, l'assassinat com-mis sur la personne du secrétaire de légation Basseville. Il sera payé par Sa Sainteté, et par elle mis à la disposition du Gouvernement français, la somme de 300,000 livres, pour être répartie entre ceux qui ont souffert de cet attentat.
ART. 19
Sa Sainteté fera mettre en liberté les personnes qui peuvent se trouver détenues à cause de leurs opinions politiques.
ART. 20
Le général en chef rendra la liberté de se retirer chez eux à tous les prisonniers de guerre des troupes de Sa Sainteté, aussitôt après avoir reçu la ratification du présent traité.
ART. 21
En attendant qu'il soif conclu un traité de commerce entre la Répu-blique française et le Pape, le commerce de la République sera rétabli et miaintenu dans les états de Sa Sainteté sur le pied de la nation la plus favorisée.
ART. 22
Conformément à l'article 6 du traité conclu à La Haye le 27 floréal an III, la paix conclue par le présent traité, entre la République française et Sa Sainteté, est déclarée commune à la République batave.
ART. 23
La poste de France sera rétablie à Rome de la même manière quelle existait auparavant.
ART. 24
L'école des arts, instituée à Rome pour les Français, y sera rétablie et continuera d'être dirigée comme avant la guerre. Le palais appartenant à la République, où cette école était placée, sera rendu sans dégradation.
ART. 25
Tous les articles, clauses et conditions du présent traité, sans excep-tion, sont obligatoires à perpétuité, tant pour Sa Sainteté le Pape Pie VI que pour ses successeurs.
ART. 26
Le présent traité sera ratifié dans le plus court délai possible.
Fait et signé au quartier général de Tolentino, par les susdits plénipotentiaires, le 1er ventôse an V de la République française, une et indivisible (19 février 1797).
Signé: BONAPARTE, CACAULT; CARDINAL MATTEI, L. GALEPPI, L. DUCA BRASCHI ONESTI, CAMILLO MARCHESE MASSIMI