"Convention entre M. de Beaumarchais [et] M. [André] Beaussieur, 25 juin 1784." [AN-MC Étude XVI, 850]

Par devant des conseillers du Roi, notaires au Châtelet de Paris, soussignés, furent présents

Pierre Augustin Caron de Beaumarchais, écuyer, demeurant à Paris, Vieille rue du Temple, P.sse St.Paul, au nom et comme l'un des commissaires et représentants perpétuels des auteurs du Théâtre Français, autorisé à l'effet des présentes pour déliberation et consentement unanime de ses confrères assemblés dans la forme prescrite, d'une part,

Et Sr. André Beaussieur, Neg.e à Marseille, y demeurant ordinairement ... à Paris, logé à l'Hôtel de Milord [illisible] ... tou[t] enfin nom[mé] comme principal actionnaire et l'un des chefs administrateurs du spectacle de Marseille et représentant ici tout le corps de l'administration qu'il engage avec lui, d'autre part.

Lesquels ont dit et reconnu qu'il est rigoureusement juste que les directeurs des troupes de province dont la fortune est fondée sur le soin de rappeler le public à leur spectacle par l'attrait des nouveautés sorties de la capitale en partageant le produit avec les auteurs dans une proportion équitable, ainsi qu'il est reconnu juste à Paris que les auteurs prennent part à la recette de leurs ouvrages sur le Théâtre primitif. La pièce d'un homme de lettres étant une propriété honorable ou justement assimilé au produit d'une terre à lui; tous les comédiens qui la jouent sont à son égard comme le négociant des Villes qui ne vend au public les fruits de la culture qu'après les avoir achetés des plus nobles propriétaires lesquels ne rougissent point d'en recevoir le prix et de même que le gain des négociants sur les denrées serait un vol, s'ils cherchaient à s'en emparer sans rien rendre aux cultivateurs, il serait injuste que les directeurs de province s'enrichissent avec les pièces des auteurs vivants sans leur offrir une juste part du profit avoué qu'ils en tirent.

Ces principes reconnus par les parties ez d. [cited above] nous et [??] posés comme base du présent acte, elles sont convenues et ont arrêté ce qui suit:

Article 1er. Que tout auteur dramatique, dont la pièce nouvelle, jouée à Paris, sera demandée par les directeurs ou actionnnaires du spectacle de Marseille, enverra son manuscrit avec les rôles copiés aux d[its] directeurs, si la pièce n'est pas imprimée lors de la demande; ou si elle est imprimée, un des premiers exemplaires de l'ouvrage afin que ces actionnaires ou directeurs fassent jouir au plus tôt le public de leur ville du spectacle nouveau dont la capitale s'amuse.

Art. 2. Que les directeurs ou actionnaires du théâtre de Marseilles se rendent garants envers l'auteur, et sous tous les dommages de droit, de la non impression du dit manuscrit et de la préservation fidèle de toute entreprise à cet égard.

Art. 3. Que les directeurs ou actionnaires du dit théâtre se soumettent à payer à l'auteur ou à son fondé de pouvoir à Marseille le septième net de la recette brute qui se fera à la porte du spectacle, toutes les fois qu'on jouera sa pièce; ou la recette brute entière d'une représentation sur sept au choix de l'auteur, sur quoi il aura soin de s'expliquer lorsqu'on devra jouer sa pièce et dans le cas de son choix d'une représentation sur sept, les actionnaires et directeurs s'engagent à mettre ce jour là sur l'affiche que cette représentation est entièrement consacrée à remplir les droits de l'auteur, n'exceptant de ce qu'on nomme ici recette brute, que les seuls abonnements à l'année, lesquels après un mûr examen de leur état actuel et pour éviter de plus longs calculs, nous paraissent devoir rester en entier aux directeurs, en compensation des frais journaliers du spectacle.

Art. 4. Que la dite remise du septième de la recette brute à la porte n'aura lieu en faveur de l'auteur que pour les représentations d'hiver dont la dite recette brute passera la somme de cinq cents livres, lesquelles représentations d'hiver commenceront au premier octobre et finiront au premier avril suivant, et pendant celles d'été que pour les représentations dont la même recette passera celle de trois cents livres, lesquelles représentations d'été commenceront au premier avril et finiront au premier octobre suivant. Toutes les représentations dont la recette brute serait moindre en leurs temps que l'une de ces deux sommes appartiendront en entier à la direction et cette lo[i] sera littéralement exécutée pendant toute la vie de l'auteur, après laquelle la recette appartiendra en entier et dans tous les temps à la direction.

Art. 5. Que si l'auteur mourrait avant que sa pièce eut été jouée cinquante fois sur le dit théâtre, le nombre de représentations qui resteraient à donner pour compléter celui de cinquante appartiendrait aux héritiers ou ayant cause de l'auteur.

Art. 6. Que si pendant le premier succcès d'un nouvel ouvrage à Paris, les directeurs ou actionnaires avaient négligé de demander le manuscrit à l'auteur; ou si quelque obstacle, des raisons de convenance ou d'intérêt avaient empêché l'auteur de le leur envoyer avant l'impression de sa pièce, ce retard ou cette impression ne donnerait aucun droit aux d[its] actionnaires et directeurs de faire représenter l'ouvrage sur leur théâtre, imprimé ou non, et dans aucun temps de la vie de l'auteur, sans se soumettre à toutes les conditions du présent acte: l'opinion qu'ils auraient du bénéfice que doit leur rapporter la pièce, étant toujours présumée par l'adoption qu'ils en auraient faite en quelque temps qu'ils la fissent représenter; et cette adoption étant un titre suffisant pour faire entrer l'auteur dans tous les droits stipulés ci-dessus à leur égard toutes les fois qu'on jouera la pièce.

Art. 7. Le droit de prélever un septième sur la recette brute des représentations de chaque ouvrage ne regarde absolument que les pièces en cinq ou quatre actes; ce droit sera réduit au dixième de la recette brute à la porte pour les pièces en trois et deux actes et au treizième de la recette brute pour les pièces en un acte.

Art. 8. Le dit droit d'auteur du septième ou du dixième ou du treizième de la recette brute à la porte sera sur le champ et avant toute autre dépense prélevé et payé à l'auteur ou à son fondé de pouvoir, lequel aura droit de contrôle et d'examen sur le compte livre ou carnet de receveur; comme aussi d'assister au dit compte à la fin de chaque représentation et d'emporter le droit acquis en donnant quittance et décharge; de plus le dit fondé de pouvoir, comme représentant des auteurs dramatiques, aura les entrées gratuitement aux spectacles tout le temps qu'il sera chargé des dits pouvoirs.

Art. 9. Messieurs les auteurs dramatiques sont d'accord et conviennent que les mêmes conditions auront lieu à leur égard pour toutes les nouveautés de leur portefeuille, qui n'auraient pas été jouées à Paris et dont les directeurs et actionnaires de Marseilles, désirant la primeur, seraient d'accord sur ce point avec les auteurs de l'ouvrage désiré.

C'est ainsi que le tout a été convenu et arrêté entre les parties, et de nous et qualifiés que pour l'exécution des présentes font élection de domicile en leurs demeures sur d'auxquels lieux promettant obligeant ez d. nous renonçant.

Fait et passé à Paris en l'étude, l'an mil sept cent quatre-vingt-quatre, le vingt-cinq juin et ont signé ces présents où il a rayé douze mots comme nuls.