Comité du 19 juin 1790. [BCF Registre 124f, f. 59v]

Ce jourd'hui le Comité du Théâtre de la Nation ayant été assemblé en présence de MM Mirbek et Du Veyrier, Avocats et Conseils de ce théâtre qui ont été invités à s'y rendre, M. Dazincourt a dit que depuis quelque temps M. Fabre d'Eglantine lui témoignait le désir de faire avec la Société un arrangement au moyen duquel la Société demeurerait propriétaire des pièces du théâtre, dont il était l'auteur, et qui avaient été jouées, savoir Augusta, Tragédie, le Philinte de Moliere, et l'Heureux Imaginaire, Comédies en cinq actes; que ne pouvant prendre sur lui seul les conventions de cet arrangement, il a engagé M. Fabre d'Eglantine à venir lui même présenter au Comité son désir et ses intentions.

Et M. Fabre d'Eglantine, qui s'était aussi rendu dans la salle du Comité, a confirmé ce qui venait d'être dit par M. Dazincourt. Alors il a été décidé de part et d'autre qu'avant de faire ou d'entendre aucune proposition, on procèderait au compte à régler entre la société et M. Fabre d'Eglantine, pour que les résultats du compte puissent, s'il était nécessaire, servir de bases à l'arrangement. Les Registres ont été apportés et dépouillement fait de ces Registres, en présence des deux Conseils ci-dessus nommés et de M. Fabre d'Eglantine lui-même, il a été constaté:

  1. Que les recettes de toutes les représentations d'Auguste, du Philinte de Moliere, et de l'Heureux Imaginaire, y compris les produits des Loges à l'année et des abonnements se montaient jusqu'à ce jour, à la somme de ...... 38, 932 livres 2 sols 2 deniers.

  2. Que la Part d'auteur appartenant à M. Fabre d'Eglantine dans le total de ces Recettes se montait à la somme de ...... 2449 livres 7 sols 2 deniers.

  3. Que M. Fabre d'Eglantine a reçu jusqu'à présent du Caissier du Théâtre, soit en espèces soit en billets d'entrée, une somme de ...... 3086 livres 6 sols 6 deniers.

Partant que M. Fabre d'Eglantine est jusqu'à présent débiteur de la société de la somme de ...... 636 livres 192 [sols] 4 deniers. Sans parler d'une somme de 323 livres que la Société avait déjà abandonnée à M. Fabre d'Eglantine et qu'elle aurait pu avec justice ne pas abandonner, ...

Ces calculs faits, vérifiés et arrêtés M. Fabre d'Eglantine s'est retiré ... avec M. Dazincourt ... qu'il demandait pour céder à la Société la propriété de ses trois pièces déjà jouées, une somme de 3000 livres en argent une fois payée et une rétribution annuelle, telle que la Société la règlerait elle-même convenablement.

Sur ce, le Comité a observé que la propriété du Philinte de Moliere et de l'Heureux Imaginaire était déjà acquise à la Société en vertu des Règlements...que ces Règlements étaient bien moins des lois imposées par une Puissance arbitaire, que des conventions réciproques entre la Société et les Auteurs, puisqu'ils avaient été calculés, réglés, arrêtés, par les Auteurs eux-mêmes, acceptés par la Société et seulement sanctionnés par les Supérieurs: Qu'il était impossible à la Société, si elle ne voulait pas compromettre son existence, d'abandonner les conventions ou les Règles établies et encore existantes jusqu'à ce que ses intérêts et ceux des Auteurs fussent gouvernés par d'autres règles et d'autres conventions et qu'ainsi M. Fabre d'Eglantine ne pouvait plus transporter à la Société la propriété de ses deux Comédies, mais seulement la propriété de la Tragédie d'Augusta.

Le Comité ne s'est point dissimulé que cette Tragédie malgré le talent dont elle brille, ne donnait pour l'avenir aucune espérance de profit et que par conséquent son acquisition n'était d'aucun avantage pour la Société.

Mais pressé par les motifs urgents dont M. Fabre d'Eglantine avait appuyé sa demande et pour donner à cet auteur distingué une preuve du cas que la Société fait de son mérite, le Comité s'est décidé à lui offrir pour l'acquisition d'Augusta seulement, les deux autres Pièces appartenant au théâtre, une somme de 1200 livres sur laquelle serait déduite celle de 636 livres 19 sols quatre deniers dont M. Fabre d'Eglantine est le débiteur...

Alors le Comité n'ayant pas le pouvoir d'engager à un sacrifice plus considérable tous les membres de la Société, il a été décidé que demain Dimanche l'assemblée générale serait convoquée pour le même objet ...