Confession Générale d'un Homme exécuté au Caveau du Palais-Royal [NYPL-RBR: *KVR 5286]

Le Confesseur.

Mon frère, dites-moi, quel funeste nuage Trouble dans ce saint lieu votre riant visage? (A part) (O Dieu! Qui le croirait) à ce noble maintien, Quel oeil ne serait pas trompé comme le mien?(1)

{[Note (1):] Le plus dangereux des vices . . . est sans doute l'hypocrisie. On pourrait en rapporter mille . . . preuves mais on se contentera de citer Beaumarchais: extérieur honnête; manières avenantes, discours mielleux, parlant sans cesse de vertu, de bienfaisance & n'étant qu'un vil tartuffe; il faut connaître une partie de ses scélératesses, pour ne pas se tromper en le voyant.}

Faut-il que sur le front d'un profane adultère Brille de la vertu le sacré caractère? Ne pourra-t-on jamais à des signes certains, Reconnaître les coeurs des perfides humains?

Le Pénitent.

. . . Je me fis des mains dont la honteuse estime Honorait la bassesse, applaudissait au crime; Des traîtres, des roués, sans honneur & sans loi

Dignes de protéger un méchant tel que moi; Et bientôt à la Cour par de lâches adresses, De ces brillants amis nourrissant les faiblesses, Les poussant au penchant où leur coeur est enclin, Je leur ose du crime aplanir le chemin;

Je leur vends sans pudeur les auteurs de ma vie, L'honneur & l'amitié, mon Prince & ma Patrie..

Mes homicides mains, prêtes à me venger, Dans le sang innocent brûlent de se plonger. Ma fortune dépend de la perte d'un homme; Le ciel entre mes mains le met & je l'assomme. . . . Je m'approche en rampant des esclaves des Rois, Qui bientôt en oracle ont érigé ma voix. . . . Si l'inconstant Public lâchement m'abandonne, Je trouve un fort appui dans Lenoir & Calonne; Et sur deux grands fripons j'étaie un Ma . . . au. Je prouve que Necker & l'épais Mirabeau N'ont pas le sens commun quand de l'agiotage Ils dénoncent au Roi l'odieux brigandage. Pour prix de ce beau zèle, un d'eux me fit le don, Le don très gratuit de cent coups de bâton. Figaro me portait au comble de la gloire, Quand de Vincent-de-Paul (. . . importune mémoire! Qui jette dans mon coeur un reste de terreur, Et redouble à la fois ma honte & ma fureur.). . . Tandis qu'avec effort j'enfante mon Tarare, Mon cher ami Chesnon me niche à Saint-Lazare. Tout le monde me hait & méprise ma foi. Contre tant d'ennemis que me reste-t-il! Moi. Désespéré, proscrit, détestant la lumière, Je prétends me venger de la nature entière.

Je ne sais quel poison se glisse dans mon coeur; Mais jusques à l'amour, tout y devient fureur. J'arrache à ses enfans une mère fidèle; Son époux vit encor & je brûle pour elle. . . . Quoique seul contre tous, ce Caron furieux Epouvante l'armée & partage les Dieux (Les Juges) Déjà de calembours s'élevait un nuage, Déjà les Procureurs, prémices du carnage, Griffonnaient & Paris, d'un regard curieux, Voit des flots de pamphlets regorger sous ses yeux. . . .

. . . le Public s'attendrit & l'écoute. . . . Je connais mes erreurs, je les rappelle toutes; Il me semble déjà que ces murs, que ces voûtes Vont prendre la parole & prêts à m'accuser, Appellent ces maris pour les désabuser. Je cède, Kornman, sans renoncer au crime. Le vigoureux Bergasse a décidé mon sort. Mes vertueux Amis vous vengerez ma mort. Mourons. . . . l'échaufaud à Caron ne cause point d'effroi, Je ne crains que le nom que je laisse après moi.